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Quand Patrick Chamoiseau allie littérature et cuisine

Témoignages | 0 commentaires

Posté par Communication

14 juin 2023

La cuisine et tout ce qui gravite autour sont des sources d’inspiration intarissables pour nombre d’écrivains. Un exemple : Patrick Chamoiseau, auteur originaire de la Martinique, qui a notamment remporté le prestigieux prix Goncourt en 1992 pour son ouvrage Texaco. L’alimentation occupe une belle place dans nombre de ses livres, comme l’a souligné Hannes De Vriese, docteur en littérature, qui a rédigé un intéressant article titré « Dans les cuisines créoles de Patrick Chamoiseau, la prodigieuse nourriture de survie », datant de 2019. Extrait.

« Chez Patrick Chamoiseau, l’alimentation constitue un révélateur de l’intégrité morale des personnages. Dans la nouvelle « Le dernier coup de dent d’un voleur de banane », l’auteur martiniquais présente Cestor Livènaj comme l’heureux propriétaire d’un magnifique bananier que tout le village lui envie. Seulement, lorsqu’un régime arrive à maturité, celui-ci est aussitôt subtilisé pendant la nuit. Ce fatalisme répétitif empêche Cestor de goûter ses propres fruits. Mais le coupable ne tarde pas à être démasqué :

Et c’est une semaine après que l’on découvrit un proche voisin de Cestor Livènaj, un nommé Fabrice Silistin, mort chez lui, avec un reste de régime de bananes suspendu au-dessus de son lit. Fabrice Silistin était une bonne personne, bien comme il faut, et nul n’aurait pu se douter que la nuit il se levait pour concrétiser nos envies, et transports à lui tout seul, notre désir de ce régime, et le manger en notre nom à tous, et pour tous.*

Le texte ne précise pas si Fabrice Silistin meurt d’un poison que Cestor aurait introduit dans le régime. Toujours est-il que les bananes consommées par Fabrice permettent de révéler son imposture sous des dehors d’intégrité. La noirceur de l’âme de Fabrice éclate au grand jour par ce dont il se nourrit et les bananes à l’aspect si appétissant s’avèrent aussi pourries de l’intérieur que l’âme du voleur : la nourriture réversible, par un effet d’ironie tragique, non seulement précipite la mort du maraudeur, mais elle découvre aussi la convoitise collective et l’envie de tout un village hypocrite qui se sont cristallisées autour du régime de bananes entamé – chacun jalousait tout autant les fruits de Cestor. Ce qui excite l’appétit est mortifère. »

*Patrick Chamoiseau, « Le dernier coup de dent d’un voleur de banane » dans Ralph Ludwig (dir.), Écrire la « parole de nuit ». La nouvelle littérature antillaise, Paris, Gallimard, « Folio essais », 1994, p. 38.

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Le lien pour consulter l’article sur OpenEdition Journals : https://journals.openedition.org/elfe/307#ftn3

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