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Claude Strazel : « Je suis cuisinier dans l’âme avant d’être chef »

Portraits | 0 commentaires

Posté par Communication

28 mars 2021

Raconter une histoire à travers ses mets, respecter les fondamentaux de la cuisine, sublimer des produits soigneusement choisis pour leur qualité, tels sont les ingrédients clés de la recette à succès de Claude Strazel. A 53 ans, ce chef connu notamment pour avoir ravi les nombreux convives de La Table de Léna reste, avant tout, un cuisinier soucieux de cultiver l’excellence, en se formant, mais aussi en éduquant les autres. Retour sur le parcours d’un maestro à la personnalité et au discours bien affirmés.

Sa profession, Claude Strazel ne l’a pas choisie par hasard. « Dans ma famille, il y avait déjà des restaurateurs », explique-t-il en préambule, avant de poursuivre : « A l’époque où, entre jeunes, nous parlions de notre avenir, beaucoup citaient des métiers en vogue, aux noms élaborés, comme électromécanicien. Tout le monde voulait de telles appellations sur sa feuille d’orientation. Cependant, j’avais déjà un pressentiment. Je me suis dit : « je ne sais pas trop ce que veut dire ces noms. Je serai cuisinier comme mon papa ».

Informé de sa décision, son père prononce quelques phrases quasi prémonitoires : « Tu es sûr  que tu veux exercer cette profession ? Ce n’est ni facile, ni simple. Par contre, si tu le fais, vas à l’école, apprends et fais-le à un niveau plus élevé que le mien ». Claude Strazel suit ses conseils et intègre la section hôtelière du Lycée de Baimbridge aux Abymes : « J’ai découvert le métier : les codes vestimentaires, les règles d’hygiène, la façon de se tenir, etc. Tout ce que tu n’apprends plus aujourd’hui, si tu n’intègres pas une école haut de gamme ».

Après avoir obtenu son CAP et son BEP dans les années 80, Claude Strazel effectue son premier stage dans un lieu prestigieux, l’Auberge de La Vieille Tour au Gosier, mais il n’y reste pas très longtemps. « J’avais les dents longues, l’envie d’aller découvrir d’autres choses, parce que j’avais le sentiment que le niveau était encore plus élevé ailleurs. », précise-t-il. Direction l’Hexagone pour lui, accompagné de sa femme : « Ma vie a très tôt été rythmée par mon couple. Je l’ai intégré dans ma carrière. »

Devenu responsable des cuisines, Claude Strazel mène une vie qu’il qualifie de « classique » : « Je travaillais tous les jours et je rentrais tard. Ma femme s’occupait des enfants et du foyer. Cela a duré une douzaine d’années ». Toutefois, par la suite, il doit faire face à « un épisode santé qui n’a pas été négligeable » : « comme je suis quelqu’un d’endurant, cette maladie ne m’a pas perturbé plus que cela, mais elle a marqué ma vie. Je l’ai intégré sur les plans personnel et professionnel, j’ai modifié mes projets ».

De la difficulté de retourner « au pays »

En 1998, après des années passées dans l’Hexagone, Claude Strazel a tout. Une vie de famille tranquille, à la campagne, à cinq minutes en vélo de son travail. Un poste de haut niveau, puisqu’il travaille pour un grand groupe japonais, dans un hôtel 4 étoiles. Et pourtant, il ressent « un picotement, un désir qui (lui) taraude l’esprit » : « J’ai envie de rentrer ». Et de poursuivre : « J’avais tout ce que je voulais, mais pas là où je le voulais. Je croyais que j’étais en position d’amener quelque chose de mon métier en Guadeloupe. J’avais la trentaine, je me sentais assez costaud dans ma tête. Je voulais bousculer les codes. »

Ce retour si désiré dans sa terre natale ne va pas du tout se passer comme il l’espère. Recruté par le groupe Crédit agricole avec lequel il a négocié un contrat « solide », Claude Strazel arrive dans l’archipel en même temps que le nouveau directeur : « Nous formions une sorte de dream team. Forts de toutes nos compétences acquises à Paris, nous venions remettre de l’ordre. »

Cependant, ils subissent un « choc thermique ». Claude Strazel se souvient : « Nous nous sommes rendus compte, de manière violente, que cela ne fonctionnerait pas. Dès les premiers contacts, nous avons ressentis de la gêne, de la froideur. En tant que responsable, j’ai tenté de mettre en place des choses, sans succès. J’ai mis du temps à comprendre que dans un tel contexte, je n’étais pas le premier à essayer et je ne serais pas le dernier. » Ce constat d’échec est d’autant plus rude qu’il a emmené sa famille avec lui. « Un an après notre arrivée, la conclusion a été que ce n’était pas un si bon choix que cela. Toutefois, après moults discussions, nous avons décidé de rester, en nous disant : ‘si on se bat, on y arrivera’. »

A force de travail et de détermination, Claude Strazel construit un réseau et reprend une activité professionnelle. Néanmoins, désormais, pour lui, « plus rien n’est sûr et il faut tous les matins se bouger. Rien n’arrivera tout seul ». Il s’attache donc au fil des années à se faire un nom en tant que traiteur et chef à domicile.

Et La Table de Léna vit le jour…

Dix ans après son retour en Guadeloupe, Claude Strazel et sa femme créent un restaurant nommé La Table de Léna, situé à Baie-Mahault. « Nous nous retrouvons dans l’obligation de créer une table d’hôte, suite aux événements de 2009 et au fait que notre activité n’a pas résisté au choc. Nousétions déjà dans un lieu où nous préparions juste nos mets à livrer. Faute de mieux, nous avons décidé d’y installer notre restaurant. Et la pire des choses qui nous arrive est que la mayonnaise prend. La Table de Léna était née. »

Si ce restaurant fonctionne si bien, c’est grâce au duo à sa tête : Claude Strazel côté cuisine, son épouse côté réception. « J’ai la chance d’avoir une femme qui est taillée pour ce métier, car elle adore les réceptions, les gens, et possède un charisme évident, précise-t-il. Nous avons donc pris la décision de faire cela ensemble, comme on sait le faire à la maison, mais avec la compétence en prime. Nous étions des professionnels, avec un sens de l’accueil et beaucoup de cœur. Les clients l’ont ressenti et ont tout de suite apprécié, même si le lieu était improbable. ».

Au bout de quelques années, La Table de Léna devient ainsi l’un des restaurants incontournables de l’archipel. Sa clientèle ? « Des vrais gourmets qui savent apprécier les mets et ont les moyens de se les payer ». En tenant compte de leurs remarques et demandes, les Strazel font évoluer leur offre, « toujours dans le sens de l’excellence » : « Nous sommes partis sur les bases de proposer ce qui se faisait de mieux. »

Le succès est au rendez-vous, et pourtant, en 2017, ils ferment l’établissement. Claude Strazel affirme : « De la même manière que La Table de Léna est arrivée, de la même manière elle est repartie. C’était d’abord une histoire d’amour, de coeur, d’envie. Puisque l’une de ses conditions n’était pas remplie, elle n’avait plus de raison d’être. Cela faisait partie de notre vie et nous avons décidé de la mettre entre parenthèses ».

Désormais « formateur dans l’âme »

Depuis un peu plus d’un an, Claude Strazel a « découvert une nouvelle façon de voir la cuisine », parce que « les gens (l’)appellent beaucoup, lui demandent des conseils ». Il est ainsi devenu un formateur et se trouve bien meilleur qu’il y a quelques années. « A l’époque, je n’étais pas prêt. Je n’avais pas de pédagogie, je n’étais pas suffisamment dans le faire faire, la transmission. Entre temps, j’ai appris, j’ai instruit des enfants, j’ai préparé et corrigé des examens, j’ai échangé avec mon fils qui est en BTS. »

Pour lui, il est primordial de former les gens sur le matériel, la tenue, les gestes, les produits, etc. « Je me suis remis à tout ce qui est fondamental et c’est ce que j’aime faire aujourd’hui, souligne-t-il. L’hygiène en cuisine est le coeur de mon métier. Il est inconcevable de travailler dans de mauvaises conditions. De plus, la seule manière de rassurer votre client est de lui montrer les entrailles de votre cuisine, de travailler devant lui pour qu’il comprenne. Il faut ouvrir les cuisines ! »

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