Par Philippe Hurgon
À l’origine, je ne m’étais jamais intéressé à la photographie culinaire, mais plutôt vers celle qui se rapprochait du style documentaire. Ce n’est que lorsque j’ai rencontré l’équipe de Foodîles que j’ai commencé à m’y intéresser vraiment, d’autant plus que la gourmandise s’y invitait toujours. J’ai apprécié cette ouverture sur un univers gastronomique inspirant et qui jusque-là ne me parlait que dans sa forme la plus traditionnelle, les couverts en main.
Plus jeune, j’ai toujours eu une passion inassouvie pour la cuisine, sans doute parce que dans mon jeune âge, on m’interdisait l’accès à la cuisine à cause de mon côté gaffeur et/ou chapardeur.
Je parle de cela et, tout de suite, j’ai des odeurs, des couleurs, des gestes qui me reviennent et qui, avec beaucoup de nostalgie, me renvoient des images qui ont contribué, d’une certaine manière, à ma construction.
La nourriture appelle à de nombreux sens : le goût, l’odorat, le toucher, voire même l’ouïe. En photographie culinaire, l’approche ne s’opère qu’avec la vue. Jouer sur la profondeur, les volumes, la lumière naturelle, chercher même dans les imperfections, la spécificité de chaque aliment pour apporter vie à l’image.
Je m’intéresse aussi de plus en plus aux questions que soulève l’image chez moi : ce qui se cache derrière cette pratique artistique.
Avec une approche plus documentaire, j’essaye également de questionner mon temps. Comment se construit l’identité culinaire de ce territoire, comment s’exprime-t-elle dans nos assiettes ? Couleurs, textures, volumes, lumière, mais aussi qualité…
Une démarche de ressenti, d’inconscient mais qui n’est pas innocente pour autant. Guider le regard à travers un jeu de perspective, d’ombres et de lumières pour qu’il s’arrête sur un détail, et que les sens commencent à s’agiter. La photographie met en appétit, mais donne aussi à penser sur nos modes de consommation, la qualité de nos produits, leur provenance.
L’idée pour moi est de réussir à raconter une histoire autour d’un mets, de faire vivre toutes ses dimensions dans ce que je propose à l’équipe de rédaction. C’est selon moi ce qui enrichit considérablement la perception que l’on va avoir d’un plat, d’une enseigne, d’une culture culinaire, tout en aiguisant l’imaginaire du lecteur. Transmettre un sentiment, une émotion, une sensation. C’est en partie tous ces éléments qui caractérisent mes clichés.
Mes photos culinaires parlent de « souvenirs d’enfance » de « recettes de grand-mère », mais questionnent également mes propres réalités. Elles sont l’expression créole d’un écosystème avec ses codes et modes d’expressions. Celui-ci porte en lui le poids d’une histoire mais s’évertue, sans se perdre, ni se dissoudre, à une prise de conscience politique, culturelle et une ouverture au monde.
Philippe Hurgon : « Aborder des thèmes qui m’interpellent, faire évoluer mon regard sur le monde et sur moi-même, partager des émotions, un sens critique… Ce sont là autant de prismes de lecture qui animent mon intérêt pour le documentaire photographique et/ou cinématographique ».