Inlassablement, ils expliquent, racontent, tout en coupant une branche, en inspectant une plante… Eux, ce sont Ulysse Mogue et Léonard Normand, deux passionnés qui effectuent un remarquable travail de valorisation de la forêt de Frézias à Saint-Claude. Les deux agriculteurs mènent ainsi, depuis 2019, un intéressant projet d’agroforesterie nommé Frézias Nature, en partenariat avec l’Office National des Forêts (ONF) Guadeloupe. Reportage.
Rendez-vous nous est donné à la Maison agroforestière de l’ONF à Matouba. Pour notre reportage, Ulysse Mogue et Léonard Normand ont délaissé leur tenue des champs pour celle des villes et nous attendent de pied ferme. Au programme : une visite guidée sur mesure. Dès le départ et tout au long de notre « périple » de clairière en clairière, les explications sont au rendez-vous.
« Nous sommes dans une forêt domaniale publique. Pour mener notre projet, nous louons une parcelle de deux hectares à l’ONF qui nous demande, en échange, de respecter un cahier des charges très strict pour cultiver les terres. Hormis les plants, nous n’avons le droit de rien amener qui ne vienne déjà de la forêt. Même le fumier ne nous est pas autorisé », affirme Léonard Normand.
Avant de pouvoir planter quoi que ce soit, le duo a dû effectuer un énorme travail de débroussaillage, sans machines, afin de dégager des clairières jusque-là couvertes d’herbes très hautes, de lianes et d’autres éléments enchevêtrés et denses. « Nous avons ensuite planté des arbres et du maraîchage pour accompagner la pousse de ces arbres, explique Ulysse Mogue. L’idée est d’avoir aussi des plantes qui vont chercher des engrais dans le sol, pousser, fournir de l’ombrage et servir de cocon pour le développement des autres plantes. Puis, nous les coupons pour qu’en se dégradant, elles fournissent de la biomasse, de la nourriture à tous ces organismes qui font que les racines communiquent. »
De l’intérêt de la diversification
Les deux agriculteurs ont des cultures dans cinq clairières où poussent des « espèces forestières diversifiées telles que le cacao, le café, la vanille, la cannelle, le roucou, le pois doux ». « Les gens ne pensent pas à associer arbres et cultures de légumes et de fruits, parce cela implique beaucoup de manuel, cela n’est pas mécanisable. Toutefois, nous démontrons qu’il est possible de reboiser des parcelles déforestées par le passé et, dans le même temps, de développer des modèles économiques viables pour des agriculteurs qui souhaitent faire de l’agroforesterie », assure Léonard Normand.
Et Ulysse Mogue d’ajouter : « Il serait d’ailleurs possible d’introduire de la mécanisation pour faciliter la gestion de plus grandes cultures. Il y aurait alors une efficacité économique, une rentabilité, grâce à la diversification des productions agricoles et la présence des arbres qui permet plus de résilience face aux aléas climatiques, aux problématiques de sols, aux maladies ».
Entre les jolies clairières cultivées, les sous-bois abritant de belles fleurs, les splendides rivières et cascades, les impressionnants arbres, impossible de ne pas être charmé par l’environnement, mais aussi convaincu par la pertinence du projet mené par le duo.
Mylène Colmar
Photo 1 (en couverture) : Ulysse Mogue et Léonard Normand sont les premiers à mener un tel projet avec l’ONF. Frézias Nature, c’est de l’agroforesterie, mais aussi des excursions d’une demi-journée pour découvrir les hauteurs de Matouba, avec sa forêt, ses cascades et ses plantes, fruits et légumes.
Photo 2 : Ulysse Mogue : « Si vous avez une maladie qui touche une variété mais que vous avez 150 autres plantes qui peuvent prendre le relais, vous aurez toujours quelque chose à vendre, à manger. La réflexion est là. »
Photo 3 : Pour atteindre certains endroits, il faut traverser les herbes hautes, mais aussi grimper. Bonne condition physique exigée !
Photos 4 et 5 : Dans chaque clairière, arbres et plantes se côtoient en toute harmonie.
Photo 6 : Léonard Normand : « La forêt permet d’être dans un écosystème assez équilibré et préservé ». Y est notamment cultivée de la vanille qui pousse très bien.
Photo 7 : Les plants, seuls éléments qu’ils sont autorisés à apporter dans la forêt.
Photos 8 et 9 : Quel privilège de pouvoir cueillir et goûter des framboises péyi !
Photo 10 : Au fil de la visite, Ulysse Mogue ne peut s’empêcher de couper ci, de cueillir ça. Un vrai passionné !
Photo 11 : Ce dernier nous a aussi montré comment il fallait couper un bananier. Les demi- troncs laissés au sol cassent le cycle du charançon et nourrissent les autres plantes.
Photo 12 : Vous pouvez aussi acheter des produits de qualité, notamment des pâtes à tartiner et des confitures qu’ils fabriquent avec les productions de leurs plantations.
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